Dans le Piémont italien, juste de l'autre côté de la frontière, dans la Vallée de la Stura, s'étend une bien épaisse forêt d'ubac, de Moiola jusqu'à Bergemolo!.
Le Chaos de la Stura.
Cette forêt est sombre... oppressante. Ne s'en échappent parfois, que l'aboiement étouffé du chevreuil, le brame rauque et retentissant d'un cerf à la fin de l'été, le court et brusque hululement nocturne de chouettes... et même le hurlement d'un loup arrive à percer de temps à autre, l'épaisse frondaison.
Très haut dans le ciel, au-dessus de la forêt, des aigles et des vautours tournoient inlassablement et majestueusement, prêts à fondre sur leur proie.
Mais pourquoi, pourquoi, par un beau matin où la Lombarde poussait les brumes d'un temps maussade dans la futaie, pourquoi ai-je décidé de pénétrer dans cette forêt alors même que personne ne s'y serait risqué?.
Néanmoins, j'y suis monté, j'ai emprunté le chemin muletier en direction de Guiromagne. Je suis passé devant la Chapelle de la Consolata marmonnant furtivement une pieuse prière, je suis arrivé à la lisière de la forêt puis je me suis enfoncé très profondément sous les arbres touffus. J'étais perplexe néanmoins quant à croiser l'un des loups du lieu. Que faire alors?.
J'ai poursuivi mon chemin, contourné une courte falaise, franchi un épais bosquet et c'est là que j'ai commencé à percevoir le murmure d'un très doux et très discret bruissement d'eau. Très vite, je suis parvenu à une mystérieuse source d'eau d'une limpidité absolue et dans laquelle je distinguais parfaitement mon reflet. Je me suis senti comme poussé à recueillir un peu de cette eau fabuleuse dans le creux de ma main.
C'est à cet instant précis qu'une ombre parcourut la surface de l'eau. Je relevais soudain la tête, extrêmement intrigué. Ebahi, je vis qu'une très, très vieille et surtout très grande dame se dressait à quelques mètres à peine de moi. Le dos courbé, elle était revêtue de la tête aux pieds d'une cape sombre laissant à peine entr'apercevoir dessous, une longue robe bleue ciel. Dans sa main droite, elle tenait fermement un long et lourd bâton de châtaignier.
"Que fais-tu là?" s'écria-t-elle.
-Jamais personne ne m'a trouvée ici!
-Jamais personne n'a même osé essayer de me retrouver!
J'étais pétrifié, sans voix, abasourdi!.
Elle se mit alors dans une terrible colère.
- Cette source est mon domaine!. C'est l'œil de la Montagne Sottana!. Pars!. Va-t'en!. Quitte les lieux sur le champ!." Hurla-t-elle!.
Immédiatement elle se mit à marteler le sol rocheux de son bâton, intensément et régulièrement. Et les pierres et les arbres qui l'entouraient se mirent à vibrer violemment. Pourtant elle continuait à frapper de plus en plus fort, et, dans une langue depuis longtemps disparue elle se mit à implorer les forces de la montagnes pour qu'elles déchaînent leur colère. Son bâton s'écrasait maintenant comme sur une formidable enclume.
Tous les oiseaux de la forêt prirent brutalement leur envol.
Et beaucoup plus haut, les rochers de la Rocca Bianca commencèrent à craquer, à s'ébranler et finirent par se détacher de la paroi dans un fracas épouvantable balayant tout sur leur passage, les hêtres, les châtaigniers, toute forme de vie.
Les arbres centenaires explosèrent dans un effroyable vacarme.
Dans le lointain je percevais malgré tout des cloches de villages qui résonnaient lugubrement.
Assommé par la peur, je m'écroulais et ici mes souvenirs deviennent confus.
....... et....... je me suis réveillé....... dans mon lit!.
Près de moi, bienveillant, mon voisin, le vieux Massimo!.
" Mais que signifie???....... que se passe-t-il?,,......." bredouillais-je.
- Nous t'avons retrouvé sain et sauf ce matin à la lisière de la forêt!. Dans un piteux état, c'est vrai. Couvert de plaies et de bosses. Sans connaissance. Comment as-tu fait pour échapper au tremblement de terre, hier?. C'était terrible. Nous l'avons ressenti jusqu'ici!. Toute la vallée a été secouée. Beaucoup de murs de maison sont fissurés, même le clocher de l'église est lézardé!.
- Je crois avoir aperçu une vieille dame là-haut!.
-Ah!. Une vieille dame?!. Bah!. Possible!. C'est ce qu'on dit!. Il existe une légende sur cette vieille dame!. Mais personne ne semble l'avoir jamais vue en tout cas, cette dame!. On dit bien qu'il y a bien longtemps, alors qu'elle était enfant, elle a disparu dans la montagne, elle s'était éloignée dans la forêt de l'Ubac. Ses parents revenaient de la toute dernière estive avant de laisser définitivement à la montagne, les granges et les prairies d'élevage!. L'enfant, on ne l'a plus revue!. Elle n'est jamais réapparue à ce qu'on dit!. Plus aucune trace!. A moins que, hier....... mais ce n'est une légende!.
Jean-Claude